Résumé:
La perception du temps dans le corpus du Graal, peu étudiée par les commentateurs, présente des aspects intéressants à plus d’un titre. Le motif du Graal refoule progressivement la vision du monde cyclique de la légende arthurienne au profit d’une conception linéaire du temps. Les différents romans interprètent cette linéarité du temps de diverses manières. Chrétien de Troyes, qui, contrairement à Wace, ne se considère pas comme un chroniqueur, limite les indications temporelles à quelques évènements déterminants pour l’évolution de son héros Perceval. Robert de Boron, ne pouvant pas situer le Graal dans une histoire de l’Église imbriquée avec le temps du monde profane, se passe de toute indication temporelle. Au lieu de cela, il interprète les révélations du Graal dans le contexte d’une histoire du salut touchant à son accomplissement. Pour l’auteur de la Queste del Saint Graal la condensation présente du temps démontre que l’Histoire est entrée dans une phase décisive. Il recourt à de nombreuses indications temporelles et références bibliques pour esquisser des scénarios eschatologiques qui culminent dans l’enlèvement au ciel du Saint Vase et de la Lance. Pour l’auteur de l’Estoire del Saint Graal également, l’Histoire a atteint un tournant, toutefois elle ne va pas vers une phase finale décisive, mais vers un renouvellement fondamental de la chrétienté qui aboutira à un ordre théocratique sous le signe du Graal.